Offre de thèse - CEA Marcoule

Mécanismes contrôlant la vitesse d’altération des verres nucléaires à long terme

 

Démarrage : 10/2021

Lieu : Site de Marcoule (Gard)

Contact : Stéphane Gin (This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.)

Pour candidater : être âgé de moins de 25 ans et disposer d’un diplôme de M2 ou diplôme d’ingénieur

 

Peut-on prévoir la vitesse d’altération des verres nucléaires bien au-delà des durées accessibles à l’expérimentation humaine ? Répondre à cette question nécessite une compréhension très détaillée des mécanismes gouvernant la cinétique d’altération des verres, ces derniers dépendant à la fois de la composition du matériau (les verres nucléaires sont des borosilicates contenant jusqu’à 30 oxydes) et du milieu environnant (composition et taux de renouvellement de l’eau, température, nature des matériaux d’environnement). Dans les milieux peu renouvelés et riches en silice, une couche passivante amorphe poreuse et hydratée se forme à la surface du verre. Cette dernière ralentit de plusieurs ordres de grandeur la vitesse d’altération du verre, qui s’établit alors autour de quelques nanomètres par an pour le verre de référence Français SON68.

Plusieurs études ont été consacrées à la compréhension des mécanismes en jeu en se focalisant sur le verre ISG (international Simple Glass), un verre simplifié du verre SON68 (composé de 6 oxydes) et étudié par la communauté internationale impliquée dans les problématiques d’altération aqueuse des verres1,2. Ces travaux mettent en avant le rôle clé de la couche passivante en tant que barrière diffusionnelle pour l’eau et les espèces aqueuses solubles du verre. Elles montrent aussi que la couche passivante est métastable et évolue continument en réorganisant son réseau poreux. La taille des pores, de l’ordre de 1 nm entraine un confinement des ions et un comportement des molécules d’eau différent de celui connu en milieu dilué1,3. Les liens entre les mécanismes de passivation et la vitesse résiduelle sont discutés dans un article récent4. Ils font appel à des réactions d’hydrolyse des liaisons principales du verre (Si-O-Si et Si-O-B), des réactions de condensation des liaisons Si-O- créés après le départ du B, du transport réactif des molécules d’eau et des ions dissous au sein du réseau poreux de la couche passivante et des réactions de précipitation dans l’eau porale (Figure 1). Les modèles cinétiques actuels5,6 ne prennent pas en compte ce niveau de détails (le transport réactif est simulé par un coefficient de diffusion apparent), ce qui pose la question de la capacité de ces modèles à prévoir avec justesse la cinétique d’altération du verre au-delà de ce que l’on peut vérifier au laboratoire.

 

La thèse aura pour objet de généraliser un schéma réactionnel du type de celui présenté en Figure 1 à une large gamme de verres borosilicatés.

Le premier volet de l’étude consistera à générer des lois de comportement pour les différents mécanismes identifiés sur la base des connaissances empiriques générées au laboratoire, des données de la littérature et des théories en vigueur (cinétique hétérogène, transport Fickien, maturation d’Oswald, nucléation/croissance…). Ces lois seront implémentées dans un modèle scientifique et le modèle ainsi créé sera confronté à des expériences dédiées.

Le second volet de l’étude portera sur la génération de données expérimentales pour paramétrer les lois d’une part et tester le modèle, de l’autre. Ces études seront conduites sur des verres de composition relativement simple (4 à 6 oxydes), déjà en cours d’étude pour la validation des modèles de dynamique moléculaire ou Monte Carlo développés au laboratoire ou des compositions à définir en fonction des premiers résultats. Plus précisément, ce type d’étude expérimentale comprendra (à ajuster en fonction de ce qui ressort comme mécanisme clé) :

  • Si besoin, la synthèse de nouvelles compositions de verres et leur étude structurale par dynamique moléculaire classique et spectroscopie Raman et RMN.
  • Le suivi de la cinétique d’altération du verre dans le régime de passivation.
  • La mesure de la diffusion de l’eau dans la couche passivante par traçage isotopique avec H2180 suivi d’analyses en ToF-SIMS.
  • La mesure des vitesses d’hydrolyse du Si en milieu dilué en fonction de la température et du pH.
  • La mesure des vitesses d’hydrolyse du B, Ca et Na en milieu saturé en Si en fonction de la température et du pH.
  • La détermination de la composition de l’eau porale par sonde atomique tomographique.
  • L’étude de la spéciation des éléments mobiles du verre dans les nanopores de la couche passivante par RMN
  • Le suivi temporel de la distribution de taille de pores par ellispsométrie spectroscopique, isothermes d’adsorption de l’eau et MET.

La partie expérimentale bénéficiera de collaborations nationales et internationales déjà en place : sonde atomique tomographique en mode cryogénique à Pacific Northwest National Laboratory, le nano-Raman et la spectroscopie ellipsométrique à Penn State University, MET à l’Université d’Aix Marseille et l’Université d’Huddersfield, ou encore le Nano-SIMS au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris.

Les deux axes de la thèse sont fortement complémentaires et seront développés en parallèle. On s’attend en effet que la confrontation des simulations aux données expérimentales conduise à des ajustements et donc que l’on tende vers un affinement progressif du schéma réactionnel.

Une fois le modèle général établi, il pourra être utilisé pour des calculs de sensibilité et pour simuler en amont des expériences de validation. Enfin on cherchera établir les liens avec les verres complexes pour lesquels de nombreuses données de vitesses résiduelles sont disponibles.  

 

Références

1               Collin, M. et al. Structure of International Simple Glass and properties of passivating layer formed in circumneutral pH conditions. npj Materials Degradation 2, 4, doi:10.1038/s41529-017-0025-y (2018).

2               Gin, S. et al. An international initiative on long-term behavior of high-level nuclear waste glass. Mater. Today 16, 243-248, doi:10.1016/j.mattod.2013.06.008 (2013).

3               Ngo, D. et al. Hydrogen bonding interactions of H2O and SiOH on a boroaluminosilicate glass corroded in aqueous solution. npj Materials Degradation 4, 1, doi:10.1038/s41529-019-0105-2 (2020).

4               Gin, S. et al. Insights into the mechanisms controlling the residual corrosion rate of borosilicate glasses. npj Materials Degradation Submitted (2020).

5               Frugier, P. et al. SON68 nuclear glass dissolution kinetics: Current state of knowledge and basis of the new GRAAL model. J. Nucl. Mater. 380, 8-21, doi:10.1016/j.jnucmat.2008.06.044 (2008).

6               Kerisit, S. & Du, J. C. Monte Carlo simulation of borosilicate glass dissolution using molecular dynamics-generated glass structures. J. Non-Cryst. Solids 522, 7, doi:10.1016/j.jnoncrysol.2019.119601 (2019).